dimanche 28 août 2011

La Mort de Renaud




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Gérard Genot





Les grands jeux
du hasard et du sort


essais sur la

Jérusalem délivrée







Reproduction autorisée
2008






la mort de Renaud

Structures narratives
et mise en scène des thèmes





La courte réflexion que je vais exposer – qu’on prenne ce qualificatif dans toutes ses acceptions – est née d’une expérience de travail, et n’a guère de valeur en dehors du cadre assez étroit de celle-ci. Attelé à une traduction de la Jérusalem délivrée, j’ai voulu assurer la cohérence de ma traduction – c’est-à-dire être sûr de traduire aussi régulièrement que possible, non le même mot par le même mot, mais la même acception du même mot par le même mot, et pour cela, établir précisément les acceptions, afin de choisir des équivalents français plausibles. Pour ce faire j’ai procédé à des dépouillements lexicaux exhaustifs, d’où j’ai tiré des "fiches" consacrées à des mots regroupés en fonction de leur parenté sémantique a priori (par exemple « ira », « sdegno », « cruccio », « dispetto », « rabbia », « furia », « furore ») ou de leurs relations fréquentes dans le texte (par exemple les désignation de la jeunesse, des machines de guerre ou des unités militaires). Au cours de la rédaction de ces fiches ou articles d’un petit lexique tassien, il m’est arrivé quelquefois d’écrire imprudemment « "xxx" est un mot thème », formule qui, à la relecture, m’a heureusement agacé, puis inquiété, car j’ai toujours ressenti (et souvent proclamé) une grande méfiance à l’endroit des termes de thème et étude thématique. Je me suis donc demandé pourquoi j’avais, ainsi à l’étourdie, usé moi-même de ces vocables suspects, c’est-à-dire quelles constatations demeurées inexplicites me les avaient soufflés. Les lignes qui suivent sont donc, non une réponse, mais une tentative de mise au clair de cette interrogation.

Impasses

L’illusion de la fréquence
Qu’est-ce qu’un mot thème ? La première hypothèse qui vient à l’esprit est bien entendu celle de la fréquence (d’un mot ou d’une famille lexicale, c’est-à-dire d’un radical sous toutes ses formes), qui peut rendre un mot ‘voyant’, mais ce critère est illusoire, pour plusieurs raisons : tout d’abord, la fréquence des mots outils est considérable, et il ne vient à l’idée de personne de considérer la conjonction e (6788 occ.) ni l’article défini (i)l (6000 occ.) comme des mots remarquables. Mais on ne peut non plus écarter sans examen les déterminants et les éléments de relation, ni certains mots qui semblent a priori presque vides de sens, et dont par ailleurs la minceur matérielle (ce sont des monosyllabes ou ils le deviennent facilement par le jeu de l’apocope et de la synalèphe) font des ‘chevilles’ toutes désignées : je fais allusion à già (422 occ.) ou or(a) (600 occ.), dont on a tôt fait, à y regarder de près, de se rendre compte que le Tasse en fait un emploi qui pour le premier joue de l’homonymie des deux già (‘déjà’ et ‘certes’) et, pour le second, le tire assez souvent vers la valeur adversative qui s’est imposée en français. Mais ces subtilités d’emploi, si l’on ose dire, passent souvent inaperçues.
Plus rigoureusement, il n’existe aucun moyen de mesurer (de chiffrer) le vocabulaire d’un auteur (la stratégie de ses choix dans la langue disponible), car tous les faits dans ce domaine, bien que chacun soit motivé dans son contexte – je reviendrai sur cette notion – sont de nature statistique, et l’emploi individuel ne peut être situé que par rapport à des tendances générales, sans qu’aucune prévisibilité puisse être fondée sur celles-ci.

Le sens de la rareté
Par ailleurs, la rareté est quelquefois aussi "voyante" que l’abondance : drudo n’apparaît que 2 fois dans le poème, et se remarque pour cette raison (outre qu’il rappelle un passage illustre de Dante, Enf., xviii, 133-135). Rare donc, et à l’écart par rapport au style soutenu de l’épopée, ce mot "comique" souligne la sévérité des reproches adressés à Tancrède par le « rigido romito » Pierre (xii, 87, 4) et, associé à « putta », la grossièreté meurtrière de Soliman à l’égard des « amanti e sposi » Gildippe et Odoard, pâles figures de blanc vêtues dont on peut dire que c’est la seule fois qu’elles prennent un peu de relief (xx, 95, 6). Pour autant, l’intuition du lecteur (on en est là pour l’instant) ne reconnaît pas « drudo » pour un mot thème, bien qu’il ressorte avec stridence du lisse tissu du texte.
Deux fois (x, 32, 4 et 56) paraît la forme « conciglio » mot-valise résultant de la fusion de « consiglio » (67 occurr) et « concilio » (2 occurr.), qui ne désigne que des réunions infernales « concilio orrendo » (iv, 2, 4) e « concilio infame » (xiii, 4, 5), et est une allusion à Virgile (« concilium horrendum », Én., iii, 679) : il s’agit évidemment de distinguer le conseil infâme d’Aladin de celui, légitime, des chefs chrétiens ; là, cette variation contribue à définir les propriétés du motif du conseil, et sa valeur ne repose pas sur la fréquence, mais au contraire sur son caractère exceptionnel, et sur son statut de variante d’une autre forme, c’est-à-dire sur une propriété relationnelle.

Qu’est-ce qu’un thème ?
Il faut prendre la question par un autre bout. Dans "mot thème", il y a thème, terme lui-même problématique, mais d’où il faut essayer de partir. Qu’est-ce qu’un "thème" ? Le dernier tiers du dernier siècle a été encombré de discussions aussi subtiles qu’oiseuses où les meilleurs esprits adonnés à l’étude de la littérature, frottés (ou saupoudrés) de linguistique, voire de psychanalyse, se sont évertués à donner une contenu notionnel rigoureux à ce terme qui, comme le mot mot, s’est défendu avec succès. Sans retourner me promener dans ces marécages, je commencerai par écarter les acceptions de ‘figure’ (je ne dirai pas *le thème du chevalier), de ‘motif’ (*le thème du duel de nuit), pour retenir une acception empirique – qui d’ailleurs explique en partie l’extension abusive du terme aux cas que je viens de mentionner – : j’appellerai thème un principe de cohérence, qui fait percevoir un ensemble de figurations (récits, descriptions) comme doté de propriétés constantes et interdépendantes, c’est-à-dire formant système. L’indice de ce principe de cohérence est ce que j’appelle mot thème (mot ou formule, cela s’entend).
Mais quels sont les unités ainsi liées ?

Texte
Texte comme système
Il est de bonne méthode de poser en postulat que des éléments partiels (motifs narratifs ou formules, phrases, mots) entretiennent entre eux et avec le tout des rapports qui font du texte un système. Un système est un ensemble de relations interdépendantes, telles que si l’on change quelque chose dans une zone, il s’ensuit une série de changements corrélatifs – une configuration du jeu d’échecs est un état de système : si l’on déplace une pièce, toutes les relations sont modifiées ; on parle alors d’interaction. Un système est aussi fermé, a des limites extérieures (un échiquier par exemple), à l’intérieur desquelles les changements n’ont pas de conséquence quant à sa nature de système (le système reste tel, même s’il est remodelé), mais qui bien entendu peuvent modifier ses relations avec d’autres systèmes : ainsi la réélaboration de la Jérusalem délivrée en Conquise, d’une part a transformé un certain nombre de relations internes, mais aussi celles du poème avec d’autres, en accentuant par exemple les ressemblances de contenus narratifs et de mise en forme avec l’Iliade[5].
Quand on s’en tient à une procédure non expérimentale – ce qui est le cas de l’analyse littéraire, qui ne peut modifier le texte –, ce sont les constantes, leurs variations (dites "variantes") et les variables liées qui sont les objets qu’il faut identifier et dont il faut analyser le "fonctionnement", c’est-à-dire l’ensemble des effets locaux (micro-contextuels), et des valeurs de système (macro-contextuelles).
Il s’ensuit que deux impératifs s’imposent à l’analyse :
a) l’exhaustivité, sans laquelle il est impossible de relativiser un fait observé et de mesurer sa portée, locale, puis générale ; cela correspond à la notion de système fermé ; ce sera, ici, la Jérusalem délivrée, seule et entière ;
b) l’identification, au moins hypothétique, et la prise en considération des principes généraux de construction propres au texte.

Texte et contexte
La notion de contexte, dans son apparente précision, doit être redéfinie quant à sa portée dans le texte littéraire. Un texte est un territoire subdivisible comme un pays – ou plutôt comme une carte : les découpages et les organisations formels y sont comme les circonscriptions administratives : parties, chapitres, paragraphes, pour la prose ; livres, chants, stances, pour les poèmes narratifs en vers ; sections, poèmes, strophes, pour les recueils lyriques et sim. Ces découpages se superposent à quelque chose qui ressemble au relief naturel du sol, aménagé en paysage : l’organisation de la matière – pour nous en tenir au cas qui nous intéresse, la construction du récit, c’est-à-dire la représentation de la chronologie fictive d’une suite implicative d’actions dans la linéarité du discours. Les deux agencements, la constitution interne et l’armature externe, avec leurs facteurs d’unification et leurs principes de discontinuité, coïncident ou se chevauchent, et délimitent des unités logiques et des segments linéaires concurrents (à tous les sens du terme). Pour s’en tenir au cas de la Jérusalem délivrée, les différentes parties du récit sont distribuées dans les chants et suites de stances de telle façon que l’on ne perçoit pas d’emblée les raisons des regroupements et des discontinuités, ce qui a incité de bons exégètes à proposer des modèles hypothétiques de réorganisation, inspirés de l’économie de divers genres, comme le conte populaire ou le récit théâtral.
Je proposerais de décrire le contexte comme une succession d’espaces concentriques, du plus étroit au plus étendu (le texte entier), dans les deux domaines que j’ai esquissés au moyen d’une analogie, et en conséquence, je vais définir des unités partielles (ou sous-systèmes, donc), dans le domaine de la "matière" du récit, car les autres sont plus aisément identifiables.


Rhétorique générale
La rhétorique classique a mis au point de grandes catégories taxinomiques, ou "parties" qui restent opératoires, et sont d’ailleurs largement appliquées, même si c’est à titre d’héritage implicite, pour ne pas dire méconnu, dans les divers domaines de la communication (notamment la publicité et la politique politicienne), et qui d’autre part étaient bien présentes à l’esprit du Tasse, qui les reprend et les discute pour son propre usage dans les Discours de l’art poétique.

L’inventio
La première est l’inventio, réservoir dont on peut faire l’inventaire en deux temps :
a) les figurations fictives, êtres, propriétés ou qualifications, relations, a priori (ou classes) : par exemple, les croisés et les païens, les hommes et les femmes, les jeunes et les vieux ; ces propriétés et relations sont données et en principe constantes (mais il n’est pas rare qu’elles soient retouchées par le récit) ; elles assurent en partie la cohérence sémantique et donc la compréhensibilité du récit ;
b) la « logique » des interactions, mécanique des changements et dynamique des motivations ou explications.
Les contenus de l’inventio sont définis par l’encyclopédie valable pour le texte (l’ensemble des connaissances, convictions, aspirations de la société dont il émane), qui situe le monde (l’idée qu’on se fait de la "réalité") représenté dans le texte relativement à ce qu’Aristote (et le Tasse après lui) appelle l’opinion commune, en l’espèce le public (concret ou idéal) et ses connaissances, aspirations, croyances, et attentes quant au texte.

Figures, relations
Les unités minimales du récit sont les figures, images partielles du monde, considérées comme simples, et désignées par un nom "propre" (c’est-à-dire sans attributs, sémantiquement vide) comme « Argant », ou fonctionnel, mais dont la fonction est au moins en partie confirmée et n’a qu’une valeur dénotative, comme « roi ». Une figure est aussi constante, c’est-à-dire demeure identique à elle-même, de sorte que sa dénomination n’est pas ambiguë : « Argant » est le nom de la figure ‘Argant’, et reste valable pour toute la durée du récit (d’ailleurs, il mourra « qual visse » …). Les figures sont des êtres humains ou non (le cheval de Raymond), des objets (l’épée de Suénon, le beffroi), des lieux (Jérusalem, le camp égyptien, l’île d’Armide). La figure n’est que virtuellement narrative, et son éventuelle description analytique, (appelée communément "description" : le site de Jérusalem ou le cheval de Raymond, encore) est indépendante de la logique du récit.

Motif
L’unité nucléaire du récit est le motif (notion informellement élaborée par les folkloristes du siècle dernier), qui correspond à peu près à la scène de théâtre classique : c’est une configuration d’acteurs (personnages, voire objets) constituée autour d’une relation ou d’une suite de changements de relations empiriquement reconnue comme formant une unité chronologique et logique : par exemple, dans le conte populaire, la lutte du héros contre le dragon.
Les motifs, considérés d’un point de vue purement logique, comme des propositions [prédicat] {Arguments}, sont en nombre limité (quelques dizaines, constitués autour de relations exprimées dans les langues naturelles par des verbes à haute fréquence, comme aller, donner, eux-mêmes réductibles à des axiomes ou primitifs logico-sémantiques inanalysables comme non, causer, coïncider, combinables pour produire des notions complexes), et leur diversité illimitée tient
– à l’application de constantes figuratives aux variables de la structure abstraite, c’est-à-dire la sélection d’images du monde qui, par leurs relarions a priori, délimitent la portée ou extension de celle-ci (distincte de sa configuration interne ou intension) ;
– au développement plus ou moins étendu ou à la démultiplication analytique qui les inscrit dans un "genre" et fait d’eux des représentations plus ou moins articulées et saturées d’un monde (une vue partielle de la réalité) ; ce qui est dans le conte populaire lutte du héros contre le dragon sera celle de Julien Sorel (ou de Renzo et Lucia) contre la société bourgeoise-aristocratique, ou du policier intègre contre la Mafia, ou de l’astronaute terrien contre les « monstres venus de l’Id » (dans le merveilleux petit film Forbidden planet, MGM, Fred Wilcox, 1956), et ainsi de suite. Des motifs types de la Jérusalem délivrée sont le duel ou le conseil des chefs ;
– aux relations d’implication entre ces motifs (par exemple la succession d’un don-service et d’un contre-don récompense).

Épisode
Une unité plus étendue est ce qu’on pourrait appeler épisode. J’adopte, le terme même employé par le Tasse, en le systématisant, mais sans vraiment le fausser.
Un épisode est une suite (ensemble ordonné) de motifs centrés sur une ou plusieurs figures qui en constituent l’homogénéité figurative, et corrélativement articulé en une suite implicative, logico-temporelle dans le récit ; cela peut se résumer ainsi
‘Motif 1 (par conséquent) Motif 2 … (par conséquent) Motif n
Un épisode comprend une situation initiale (un motif statique)[6], une suite de changements déterminés par diverses interférences extérieures, et une situation finale (à nouveau un motif statique) à confronter avec la situation initiale.
J’appellerai épisode l’histoire d’Olinde et Sophronie, continue et compacte, c’est-à-dire etièrement contenue, du début à la fin, dans une zone délimitée du texte et close une fois pour toutes (ii, 8-55)[7], mais aussi l’équipée de Vafrin (xix, 57-131) ; la première est qualifiée d’ » épisode » par le Tasse lui-même, mais pas la seconde.

Épisode et séquence
Un épisode peut être discontinu et découpé en motifs ou suites partielles de motifs (appelons-les séquences) ; cet aspect ne relève pas à proprement parler de l’inventio, mais de la dispositio (v. infra) : toutefois l’identification d’une séquence comme partie d’un épisode est bien un problème d’inventio[8].
Ce sont par exemple
– les errances d’Herminie, d’Antioche à Jérusalem (iii, 12 ; xix, 92-97 ; vi, 56-66, rétrospectifs ; iii, 17-20, 58-63), de la tour d’Aladin aux abords du camp croisé (vi, 67-114 ; redoublé en récit rétriospectif, xix, 98), au domaine du pâtre (vii, 1-22), au camp égyptien (xix, 98 retrospettif ; 81-90), à Jérusalem enfin (xix, 102-119) ; là, c’est l’une des séquences, le séjour chez les pasteurs, qui est ordinairement qualifiée d’ "épisode" ;
– l’histoire de Tancrède et Clorinde, scandée en une suite de rencontres, la première, relatée en récit rétrospectif (i, 45-49), le duel-déclaration avorté (iii, 21-30), la vision paralysante (vi, 26-27), le duel nocturne (xii, 52-70), la rencontre macabre avec le corps de Clorinde morte (xii, 80-83), la vision onirique consolatrice (xii, 89-93), la rencontre plus sereinement douloureuse au tombeau (xii, 95-99), l’inquiétant fantasme magique (xiii, 32-46). Là aussi, c’est une séquence, celle du duel mortel, qui a été "extraite" et traitée comme "épisode" par Monteverdi. La brève séquence où Tancrède reste ébaubi en voyant Clorinde, d’autre part, est un exemple d’intersection entre deux épisodes, l’histoire-épisode de Tancrède et Clorinde, et l’histoire-épisode de Tancrède et Argant.
– l’affrontement entre Renaud et Soliman, sur lequel je reviendrai.
On voit que cette notion est théoriquement assez bien définie, et propose des unités contextuelles assez aisément identifiables empiriquement, du motif singulier au montage partiel (séquence), puis général (épisode), de motifs.

Fabula
Le cadre général est enfin celui de l’ensemble du discours narratif (la fabula), qui donne à la fois leur unité et leurs limites externes aux épisodes et aux motifs. Cette notion a été minutieusement discutée par le Tasse (DAP, I). C’est l’ensemble des récits connexes, ou représentations de suites logiques d’interactions par des suites figuratives d’interactions entre figures du monde. Connexe est pris dans un sens quasi-mathématique ; les sous-ensembles (récits partiels) présententent des intersections, autrement dit sont accessibles les uns aux autres. C’est cette connexité que le Tasse a théorisée sous le nom d’unité-variété.

La dispositio
La dispositio garde toujours, de ses origines judiciaires et politiques, une vocation démonstrative, et souterrainement polémique : même quand on écrit (à supposer) "pour" imiter, c’est toujours dans une position d’émulation.
La dispositio est la mise en discours (en l’occurrence verbal) du récit tel que je l’ai défini ci-dessus. Or le discours est linéaire, et la dispositio doit résoudre les problèmes de la conduite du récit, le traitement
a) des relations d’implication logique à représenter par des formules de conséquence, la plus simple étant la consécution temporelle directement reproduite par les unités du discours ;
b) de la simultanéité chronologique à organiser dans la linéarité du discours, et marquée de diverses façons : « Mentre qui segue la solinga guerra, | che privata cagion fe’ così ardente, | l’ira de’ vincitor trascorre ed erra | per la città su ‘l popolo nocente. » (xix, 29, 1-4, c’est la transition entre le motif du duel de Tancrède et Argant et celui du pillage de la ville à demi conquise) ; « Or mentre qui tai cose eran passate, | errò Vafrino tra mille schiere armate. » (xix, 56, 7-8, c’est la transition entre les motifs situés à Jérusalem et la séquence de Vafrin dans le camp égyptien) ;
c) de la continuité projective : interruptions et reprises, digressions, vues rétrospectives dites cinématographiquement flash-back, comme le motif de la première rencontre de Tancrède et Clorinde (i, 45-49), ou anticipations, comme les prophéties de Pierre l’Ermite au sujet de Renaud (x, 74-77) ou du Mage au sujet d’Alphonse ii d’Este (xvii, 88-94) ;
d) du placement des enclaves non narratives, c’est-à-dire sans relation directe d’implication : descriptions, éventuels développements commentatifs (p. ex. xiii, 80, 5-8), changements d’élocution (p. ex. l’invocation à la Muse qui marque le début de la partie centrale du premier duel Tancrède-Argant, vi, 39, 4).
Ces opérations retouchent le sens-direction en sens-signification, dans la mesure où elles soutiennent les procédés de mise en parallèle ou en opposition, de gradation, d’amplification, d’autres, dont un sur lequel je m’arrêterai un instant, à titre d’exemple.

Digression : l’anti-alternative narrative
C’est l’opération narrative à mon avis la plus méconnue : celle qui consiste, devant une alternative – par exemple : ‘le héros affronte l’ennemi’ (par conséquent) ‘le héros est vainqueur ou est tué’ –, à représenter non une seule branche, mais les deux, par divers procédés.
Ainsi de Renaud, qui doit être vainqueur de Soliman ; la "scène à faire" de Soliman massacrant Renaud est impossible ? qu’à cela ne tienne, une doublure (Suénon) mourra héroïquement de la main du Soudan (viii, 6-25). Et même, alternative dans l’alternative : le héros meurt héroïquement et glorieusement en pleine bataille, de la main de son ennemi predestiné, ou traîtreusement assassiné à l’écart ? Eh bien, non, glorieusement occis au combat en Suénon, il est anonymement tué dans un vulgaire guet-apens : c’est une ruse d’Armide et une fausse nouvelle, mais la scène a été racontée (viii, 46-56). Le héros est « feroce », mais « dolcemente » (i, 58, 3) c’est un géant (viii, 49, 1), mais aussi un « fanciullo », Mars sans doute, mais aussi Amour (i, 58, 8) ; est-il donc impossible qu’il meure autrement qu’en colosse des batailles ? Non, Lesbin est là, autre Renaud, Soliman à peine sorti de l’enfance, qui s’amuse comme à la foire, « dérange de çà et de là tous les alignements », et qu’une brute va massacrer comme on piétine une fleur (ix, 81-86). Et enfin : maintenant que sa mort a été surabondamment exorcisée, et sa victoire solidement fondée sur toutes ces défaites, le héros peut l’emporter sur son adversaire au terme d’un long combat, ou si vite qu’on ne s’en rend compte qu’après coup, les deux solutions étant aussi tentantes l’une que l’autre : grand spectacle, ou victoire foudroyante. Ma foi, l’un et l’autre, grâce aux doublures encore : après que Soliman a fait bonne mesure sur l’androgyne Gildippe et Odoard, dernière doublure de Renaud (xx, 94-100), quand « Sdegno, dovere, benivolenza e duolo | fan ch’a l’alta vendetta ei si converta », ecco che « il sentier gli attraversa e fa contrasto | su gli occhi del Soldano il grande Adrasto » (xx, 101, 5-8), et celui-ci va mettre en œuvre, pour le compte du Soudan pourrait-on dire, la spectaculaire et héroïque défense qu’on attend de lui (102-103) ; et Soliman meurt (plus qu’il n’est tué) en une stance (107), sans que soit décrit ni un coup qu’il donnerait, ni celui qui le tue ; après quoi, et (comme) pour que le spectateur en ait pour son argent, Renaud, si j’ose dire, le retue spectaculairement en la persona de Tisapherne (112-116).
Si je me suis attardé sur cet aspect de la construction narrative, c’est d’abord, comme je l’ai dit, qu’il me semble peu exploré – du moins à ma connaissance – alors que je le considère comme fondamental des grandes œuvres narratives (les romans de Jules Verne abondent en exemples) ; c’est aussi que cet exemple (qui n’est pas unique dans la Jérusalem délivrée) montre comment opère la dispositio, montage de motifs qui met en évidence certaines de propriétés de ceux-ci, soit en les variant, soit en les reproduisant de façon reconnaissable[9], et qui les organise en un système de relations d’analogie qui les harmonise et soutient la constitution de ce que j’appelle alors thème.
La tonalité commune à toutes les hypostases du grand combat entre Renaud et Soliman, indéfiniment différé et « répété » (comme au théâtre), est donnée par l’opposition entre la jeunesse et la maturité, entre la royauté à venir et la royauté échue, entre la grâce presque féminine et la rudesse du surmâle[10]. C’est en ce sens qu’elles participent de l’un des thèmes majeurs du poème, la lutte entre les âges de la vie, entre les sexes, entre espérance et accomplissement ; et à ce titre, ce combat attire dans son vortex, par de multiples indices analogiques, Clorinde et sa féminité rebelle et larvaire, Tancrède et ses combats nocturnes ou à l’ écart, Herminie aussi excessivement féminine dans son déguisement guerrier que Soliman est excessivement masculin, tandis que se tissent des chaînes en travers de cette trame, Herminie qui fait à la place de Clorinde ce que Tancrède voudrait que fît celle-ci, Argant qui explicitement se fait le double et de Soliman (xi, 61-67) et de Clorinde (xii, 42-48), et ainsi de suite. Tout cela associe, au thème précédent, celui du double et du déguisement, le double étant en quelque sorte la règle de l’épopée en tant que récit de l’opposition terme à terme de deux mondes (deux transcendances, deux chefs, deux armées, des héros par paires, la mort de l’un réservée à l’autre), mais dans la Jérusalem délivrée, les ‘paires’ sont déplacées (la paire Godefroi-Aladin est disjointe par les figures du Calife, d’Emiren et de Raymond ; à Tancrède correspond Argant, mais aussi Clorinde ; à Soliman, comme on l’a vu, toutes les ‘doublures’ de Renaud) ; le déguisement est une fois de plus le moyen de transgresser, c’est-à-dire de franchir les lignes de séparation, et de réaliser narrativement la branche exclue de l’alternative : Herminie déguisée réalise les impossibilia d’une Clorinde amoureuse (vi, 114, c’est ce que croit Tancrède) et « impaurita » (112, c’est ce que croit Alcandre).

L’elocutio et l’ » autorisation »
J’ai mentionné le rôle des éléments verbaux comme indices du remodelage que fait subir la dispositio aux unités sélectionnées par l’inventio.
La troisième catégorie de la rhétorique, l’elocutio, définit la stratégie des sélections et exclusions dans la langue disponible, c’est-à-dire dans les codes normatifs qui régissent les "genres" et les "styles" qui doivent leur correspondre.
Dans le cas du Tasse, outre le choix formel du découpage en chants et octaves, cette langue ou code de référence est précisément identifiable : c’est celle des grandes épopées classiques, l’Iliade, l’Énéide (et sa traduction par Annibal Caro), la Thébaïde de Stace, la Guerre civile de Lucain, les Argonautiques de Valerius Flaccus, les Puniques de Silius Italicus, le Rapt de Proserpine et la Guerre des Goths de Claudien, d’autres auteurs latins, Ovide, Horace, Girolamo Vida (la Christiade), et deux modernes, Dante, et Pétrarque.
La Jérusalem délivrée, d’un certain point de vue, peut apparaître comme tissée de fils tirés de ces œuvres, et l’opération dépasse de loin ce qu’on appellerait à tort imitation ou influence : ces œuvres sont le code, le dictionnaire raisonné d’une langue dans laquelle le Tasse élabore pour son compte et à ses fins son registre épique. Ayant à dire quelque chose (à présenter un personnage, à lui faire tenir un discours, à planter un décor, décrire un lieu, détailler une scène d’action, s’arrêter à une considération morale ou métanarrative), comme nous viennent à nous ‘les mots pour le dire’, à sa mémoire prodigieusement obsessionnelle se présentent en bon ordre les lieux (mots, tournures, formulations plus développées) de ‘sa’ langue – qui est aussi celle de la connivence avec ses lecteurs d’élection – : et il choisit, place, ‘traduit’ à la lettre leur latin en son latin, varie, truque un mot, déplace une épithète, plie en somme le donné à ce qui doit être re-donné, à la fois répétition reconnaissable quant à son origine (pour ne pas dire « source »), et remis en question dans le nouveau contexte. Cette démarche correspond dans la pratique de l’écriture à la volonté, constante et typique chez lui, de fonder, justifier et défendre ses choix en s’appuyant sur des auctoritates, sur des normes constamment rappelées – et amplement évoquées et convoquées dans les écrits (Discours de l’art poétique, dialogues, « Lettres poétiques ») qui accompagnent l’écriture créative, et l’entourent d’un rempart aussi hérissé « di machine e d’arme » que ceux de Jérusalem (xi, 27, 1).
Un exemple typique et récurrent de cette procédure d’écriture apparaît dans les descriptions et mentions de l’‘aube-aurore’ (une trentaine dans le poème). La moitié de ces mentions sont formulées en termes qui font écho à des passages classiques (Virgile, Horace, Ovide, Stace, Dante, Pétrarque et d’autres), que ce soit à propos de l’aube elle-même, ou de l’événement qui s’y produit ; ces formules réminiscentes, qui s’intensifient dans la seconde moitié du poème (12 sur 14 à partir du ch. ix) sont plus ou moins saturées, et apparaissent à des moments remarquables : le songe d’Arxès qui insiste sur l’origine chrétienne de Clorinde (xii, 39), l’expédition de Charle et Ubald (xv, 1, 44, 47), le retour de Renaud (xvii, 95) ; les plus voyantes sont le matin du premier assaut (xi, 19) où un tableautin inspiré d’Ovide et d’Attius n’a évidemment aucune valeur descriptive (il y est question d’ « aratro » et de « corno » de chasseurs), et la méditation de Renaud (xviii, 12-15) où sont appelés en renfort Lucrèce et Dante, avec de plus un écho ou renvoi interne (xvi, 12). La figuration de l’‘aube-aurore’ s’enrichit ainsi de connotations attestées dans la langue de référence, et pour la plupart reconnaissables par le lecteur, réel ou idéal : quoi qu’il en soit, elles sont présentes dans la sémantique propre de l’auteur, qu’elles complètent, et "compliquent".
À cela – automatisme plus que procédé – s’ajoute une multiplicité d’échos de diverse portée ; ce peut être la reprise d’un mot dans un contexte qui fait percevoir une analogie : par exemple, déjà mentionné, « conciglio » (x, 32, 4 et 56) mot-valise qui désigne le ‘conseil’ d’Aladin, et, en contaminant « consiglio » par « concilio » (toujours infernal, suivant l’autorité de Virgile, « concilium horrendum », Én., iii, 679), lui confère une connotation d’illégitimité confirmée par la reprise. Dans d’autres cas c’est une formule plus étendue, jusqu’à un ou deux vers, comme dans le vers « tanti e sì fatti suoni esprime un suono » (xiii, 21, 8, écho de Lucain, « tot rerum uox una fuit », à la fin d’un véritable ‘traduction’ de Bell. civ., vi, 685-693), repris avec une menue variation par « tanti e sì fatti suoni un suono esprime » (xviii, 18, 8), où la répétition invite explicitement le lecteur a confronter deux morceaux de bravoure (la forêt successivement épouvantable et séduisante), et à tirer de cette confrontation une représentation de la puissance de la magie.


De la récurrence
Ces réminiscences, citations, allusions[11], dans la lecture ordinaire, sont ‘adressées’ à la compétence du ‘public’ réel ou idéal et à ses attentes supposées ; elles sont donc perçues de manière semi-aléatoire, intuitive, et leur effet opère dans le domaine subconscient des automatismes et des motivations arbitraires du langage, et dans celui de ce qui va de soi, garanti par l’encyclopédie implicite.
D’un point de vue opératoire, ce sont des récurrences, indices de constantes du système-texte, pour les échos internes, réminiscences ou citations de soi-même, et, pour les références externes (à d’autres textes) de propriétés de celui-ci qui l’associent à des zones d’autres systèmes-textes appartenant au même système-"genre".
L’analyse des récurrences de formes identiques ou variées mais reconnaissables, et leur traitement comme constantes doit être exhaustive, explicite, systématique et située dans un cadre notionnel, notamment historique : leur portée est à définir, notamment, en fonction de leur placement dans le ou les textes du système auquel elles appartiennent, de leur valeur sémantique (pour leur aspect verbal) et logico-narrative (pour leur aspect figuratif).
La procédure de travail consiste donc a repérer des récurrences de diverses sortes, narratives, descriptives, et à examiner les moyens verbaux mis en œuvre dans les parties du texte qui se répondent.

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Figure et thème
Le recours aux "parties" de la rhétorique, outre qu’il fournit les cadres d’une analyse narrative fonctionnelle, permet de préciser la portée de la notion de thème, que j’ai définie comme principe de cohérence, et de la situer par rapport à celles de figure et de motif. Je le ferai au moyen d’un exemple.
Partons de « Gerusalemme » – et de ses équivalents, « città » et quelques périphrases analytiques – ; ces formules verbales de l’elocutio réfèrent tout d’abord à la figure de ‘Jérusalem’, qui donne lieu a une description détaillée (saturation figurative) du motif ‘Godefroi observe Jérusalem’ (iii, 55-57), complétée à l’occasion du motif ‘Godefroi place son campement’ (iii, 64-66), et partiellement rappelée au cours de diverses parties du récit (procession, assauts, fuite d’Herminie, « conciglio » d’Aladin).
Cette figure est thématique dans la mesure où elle associe les motifs qui la contiennent, les séquences et épisodes auxquels appartiennent ces motifs, et fin de compte, plus ou moins médiatement, concentre autour d’elle l’ensemble du récit.
Une première conséquence est que chacune de ces inclusions contribue à saturer la figure de ‘Jérusalem’, en lui conférant des propriétés (constantes ou narrativement motivées) dont la verbalisation constitue une sorte de jalonnement narratif discontinu qui scande la progression du récit et l’accompagne de développements qui qualifient l’action en soulignant l’atmosphère de chacune de ses étapes. La ville est ainsi successivement « santa » (i, 8, 6) e « sacrata » (i, 27, 7) pour les croisés, « dolente » (i, 82, 6) parce qu’aux mains des païens, « forte » (iii, 54, 8) aux yeux de Godefroi qui l’observe, puis dans les propos du défaitiste Orcan (x, 42, 2), mais ce n’est n’est qu’une concession et elle est aussitôt dite « ampia » (x, 43, 5) et difficile à nourrir ; « ampia » à nouveau (xi, 62, 3), mais qui pour Argant « non … par campo del suo ardir capace », « percossa » (xi, 76, 2, après le premier assaut), deux fois « smarrita » (xii, 8, 6 e 100, 4, après la mort di Clorinda) ; elle est « forte » à nouveau aux yeux de Godefroi qui « non vòle | che la forte città in van si batta » (xiii, 17, 1-2), et enfin « afflitta » (xix, 9, 2) sous le regard pensif d’Argant qui la voit « cadere », et « regale » (xix, 118, 1) pour Tancrède qui demande à y être transporté. À ces qualifications essentielles s’en ajoutent d’occasionnelles qui toutes se rapportent aux étapes de l’assaut et de la conquête et sont concentrées dans la seconde moitié du poème (après le tournant du ch. xiii) : « secura » (xiii, 1, 4) grâce aux « nuovi argomenti » d’Ismène), « abbattuta e presa » (xvii, 82, 4) dans l’anticipation exaltée de Renaud qui « d’emula virtù … | commosso avvampa » (82, 1-2), « più bassa » (xviii, 91, 4) quand du beffroi « crescente » jaillit un autre tour, « vinta » (xix, 10, 3) pour Argant, non encore « presa » (xix, 54, 2) pour Solimano (qui pense à la citadelle), et enfin, dans la dernière stance, « liberata » (xx, 144, 3).
Une seconde conséquence est de mettre à plus ou moins grande distance du fil narratif principal des motifs et séquences comme le séjour d’Herminie chez les pasteurs, l’expédition de Vafrin au camp égyptien et le voyage de Charle et Ubald, et bien sûr toute une partie de l’histoire de Renaud.
La figure de ‘Jérusalem’ entre ainsi en interaction thématique avec d’autres qui remplissent des fonctions narratives de même nature (lieu où advient une action) : le camp croisé et le camp égyptien, la forêt de Saron, le château de la Mer morte et l’île d’Armide, le refuge pastoral, et ces relations thématiques à leur tour définissent dialectiquement une classe d’actions hautement significative, les déplacements.

Le thème, ‘petite musique’
C’est là qu’une acception technique, étrangère à la littérature, de thème, se trouve être d’une pertinence un peu inattendue, mais pas vraiment surprenante ; c’est l’acception musicale : « Dessin musical constitué par une mélodie, une harmonie ou un rythme formant le motif d'une composition musicale et qui est l'objet de variations. » (TLF).
Si l’on transpose au domaine narratif, on retrouve un autre terme commun, et dont l’acception est cette fois-ci presque directement utilisable, celui de motif, que j’ai déjà mentionné : « Phrase ou passage remarquable par son dessin (mélodique, rythmique) » (Robert). Si un motif, dans l’étude des récits, est une combinaison typée d’acteurs et d’actions, c’est-à-dire de changements de relations, elle est reconnaissable par sa structure, et ‘remarquable’ par ce qui la singularise, sa couverture figurative d’abord (inventio), son placement relativement à d’autres ensuite (dispositio), sa réalisation verbale enfin (elocutio).

Une acception opératoire de thème
Les thèmes d’une œuvre sont donc les grandes constellations qui la réorganisent partiellement, reconnues ou plus exactement construites en tirant des alignements dans le texte, pour le récit, entre personnages, actions, descriptions, enclaves non narratives, etc. associées par des propriétés communes. Ces constellations sont en nombre indéfini, chaque époque, pour peu que l’œuvre ait du répondant, en "trouve" (en invente) de nouvelles, et les esprits brillants ou factieux prétendent que telle ou telle est la bonne, que la Jérusalem délivrée est "le poème de … (la Contre-réforme, la résistance à la Contre-réforme, les amours malheureuses, le titanisme, la nuit, etc. ad lib.)", en somme tout et le contraire de tout. Ce sont là jeux de princes, mais aussi réécritures partielles, complémentaires, parfois significativement contradictoires, qui témoignent de la vie du texte, et situent celui-ci dans une tradition qu’il fonde et remodèle au cours du temps.
Plus sérieusement, quelle est la relation entre, parodions, les mots et les thèmes ? On peut donner à l’expression mot thème plusieurs acceptions dont je n’affirmerai pas qu’elles sont claires, ni clairement tranchées ; j’espère que d’autres feront mieux.

Explorations
Thème, sujet, titre : « notte »
Une première acception est presque celle de thème comme ‘sujet’ d’un développement, titre d’un morceau de bravoure, et encore, musicalement, motif verbal annonçant une variation : c’est le cas de l’attaque « Era la notte (ii, 96, 1, dès le second emploi de « notte » ; vi, 103, 1 ; viii, 16, 5 ; xii, 1, 1) et ses variations « Sorse / Sorgea la notte » (iv, 54, 1 ; viii, 57, 1 ; x, 78, 5 ; xvii, 56, 3), qui reparaissent atténuées en v, 79, 5 (« Ma come uscì la notte ») et, vi, 50, 3 (« ma sì oscura la notte intanto sorse »), et encore variées en v, 80, 5 (« Errò la notte »), vii, 3, 1 (« Fuggì tutta la notte »), vii, 45, 1 (« Ne l’ombra de la notte e de gli incanti »), xiii, 57, 1 (« Non ha poscia la notte ombre più liete »), xvi, 69, 1 (« Ombra più che di notte »), xviii, 63, 1 (« Co ‘l buio de la notte ») ; cela fait de « notte » un mot thème, en deux temps logiques : d’une part comme attaque, annonce d’un développement où le mot (et donc la figure qu’il dénote) se trouve associé à d’autres notions importantes parce que récurrentes (repos, errance, fuite, doute) et d’autre part, en conséquence des développements assez étendus, du fait que dans des occurrences de portée plus restreinte, le mot (et la figure, je le répète) bénéficie d’un halo de sens implicites, confirmés (« l’opportuno alto silenzio de la notte scelse », xiii, 5, 6) ou contredits (« ecco notte improvvisa », xiii, 75, 5 ; « Ed ecco di lontano a gli occhi loro | un non so che di luminoso appare, | che con raggi d’argento e lampi d’oro | la notte illustra … », 17, 57, 3-6).
À titre de complément, et d’invite à des analyses plus fines, je signalerai qu’aux 71 emplois du singulier, où se déploient les résonances que j’ai dites, ne correspondent que 7 emplois du pluriel, tous négatifs (nuits d’Achéron, nuits où pleure le rossignol, nuits « inquiete », « vedove », « torbide », « fere », les seules passées « con securezza » sont, c’est Argant qui s’en indigne, celles des croisés qu’on laisse trop tranquilles) : c’est un mot qui ressemble, mais ce n’est pas le même thème, et cette forme fait plutôt système avec l’ensemble des formulations de la phobie, et notamment « orrore ». De même, les 28 emplois de « notturno » portent une connotation dysphorique, non celle de la peur, mais celle de l’obscurité au sens abstrait d’anonymat : les actions de nuit sont privées de « fama » (c’est Tancrède, qui semble y être voué), ou liées à l’idée de déguisement et d’erreur sur la personne (Herminie pour son équipée qui met son honneur en péril, Clorinde pour sa sortie fatale) ; là encore, mot apparenté, thème différent, mais au bout du compte, la force de la parenté lexicale suggère de chercher un principe unifiant à ces diverses valeurs, distribuées en sous-ensembles concentrés sur des formes à la fois reconnaissables comme parentes a priori, et distinguées par des contextes ayant chacun sa cohérence locale propre ; le thème général de la nuit est ce système des systèmes, dont je n’ai fait qu’esquisser les contours.

Thème comme ‘variable associée’ : « fremere », « teatro »
Une autre acception serait à peu près celle-ci : un mot thème est un mot (ou une expression, cela s’entend) qui reparaît dans des parties du texte associées par des analogies variées (principalement, ici, narratives), et qui y remplit une fonction analogue – dans la terminologie mathématique, la « fonction » est justement définie comme ‘variable associée’.
 C’est par exemple « fremere » ‘gronder’, ‘rugir’ qui s’applique typiquement à Argant (iii, 45,1 ; vi, 33, 6 e 44, 3, xix, 16, 7, ecc.), mais aussi aux Aventuriers irrités par le refus de Godefroi d’aider Armide (iv, 82, 2), et aux séditieux surexcités par Argillan (viii, 71, 7-8) : Dans tous les cas, le mot dénote une « ira » paradoxalement illégitime (vu que l’ » ira » est normalement juste), qui est à son tour normale pour le Païen, et scandaleuse chez les chrétiens. Les autres emplois du terme (p. ex. à propos de la nature, ix, 15, 6 ; xix, 47, 1), en conséquence, portent tous cette connotation d’hostilité injuste ou au moins violente.
C’est aussi le cas de « teatro » (vii, 36, 5 ; xii, 54, 2 ; xix, 8, 7 ; xx, 73, 5) qui paraît dans les trois premières de ses quatre occurrences associé à la figure de Tancrède, et au motif du combat à l’écart : mot-thème, donc, non par sa fréquence, contrairement « notte » (auquel il est d’ailleurs associé dans les deux premiers cas), mais – comme pour « fremere » – en raison de sa "spécialisation", si l’on peut dire. Sa valeur thématique est de faire percevoir, à partir de quelques cas éclatants, une dimension spectaculaire dans tout le récit, et d’attirer vers cette interprétation des figurations qui ne sont qu’implicitement « théâtrales », comme le chant de la sirène de l’Oronte (xiv, 60-64), attiré par un synonyme et un écho : « Così dal palco di notturna scena » (xiv, 61, 1) qui reprend « Splende il castel come in teatro adorno | suol fra notturne pompe altera scena » (vii, 36, 5-6), celui du papegeai (xvi, 13-15), attiré par « cantare » (12, 1 ; 14, 1), « lingua snoda » (13, 3), « voce » (13, 4) et « arte » (14, 5) et même les supplications et imprécations d’Armide abandonnée, où l’on voit celle-ci préluder comme une vraie prima donna d’opéra : « Qual musico gentil, prima che chiara | altamente la voce al canto snodi, | a l’armonia gli animi altrui prepara | con dolci ricercate in bassi modi, così costei… » (xvi, 43, 1-5, remarquer les reprises de « voce » et « snodare »). Ces analogies engagent à (re)constituer le thème de la musique, qui comprend aussi bien les sons guerriers des « trombe » des croisés e et des « barbari metalli » des Païens, que les concerts cacophoniques ou trompeusement harmonieux de la forêt de Saron, et le « supplichevol canto » (xi, 5, 6) de l’ » essercito canoro » (11, 1) durant la procession.

Thème comme facteur de coalescence : « non so che »
Une formule verbale sans corrélat figuratif peut à elle seule être un facteur de cohérence de configurations textuelles qui, du fait de leur association par cet intermédiaire, acquièrent une valeur thématique ; l’exemple le plus éclatant est celui de la formule « un non so che » : c’est par excellence la formule magique du sfumato propre au Tasse, qui l’emploie presque toujours avec un couple d’adjectifs hautement significatifs, et la rapporte, remarquablement, aux principaux héros du poème, en une qualification qui synthétise chaque fois un état psychologique dominant : ii, 37, 3 (« inusitato e molle », Aladin, a contrario, devant Sophronie) ; xii, 5, 6 (« insolito e audace », Clorinde) ; xii, 66, 6 (« flebile e soave », Clorinde mourante)[12] ; xiii, 40, 7 (« confuso … pietà, spavento, dolore », Tancrède) ; xvii, 57, 4 (« luminoso …raggi d’argento e lampi d’oro », Renaud) ; xix, 94, 5 (« soave e piano », Herminie) ; xx, 1, 4 (« ombroso », l’armée croisée et l’armée d’Égypte) ; xx, 51, 6 (« roco e indistinto », la rumeur de la bataille). Un point commun de tous ces emplois, le thème donc (ou l’un des thèmes) qui les unifie est formel : c’est la mise en relief d’un procédé constant, le couplage de deux termes, les uns antithétiques, comme » sforza e piace », « discioglie e lega », les autres parasynonymiques, comme « angusto e scarso », « tranquilli e lieti », « canuto e bianco » ; ces derniers ont en particulier la double fonction d’introduire à la fois l’emphase du redoublement et le sfumato d’une imprécision parfaitement concertée ; tout se passe comme si[13] le Tasse, au moment de choisir entre deux termes, ne se résignait à renoncer à aucun des deux – c’est au plan de l’elocutio ce que j’ai montré plus haut au plan des effets de la dispositio, l’anti-alternative ; mais on remarquera aussi que ces liaisons ont pour effet, n’introduisant pas, le plus souvent, une distinction logiquement interprétable, à la fois et paradoxalement d’effacer en un premier temps de la lecture la nuance ou la connotation différentielle, puis au contraire (si l’on s’y attarde le moins du monde) de projeter sur chacun des deux termes, autour du noyau de sens, aussi les connotations de l’autre : ainsi « orrido e fosco » (iii, 56, 8, c’est la forêt de Saron) : tout ce qui est fosco est aussi orrido, et tout ce qui est orrido est aussi fosco, ou en d’autres termes orrido signifiera désormais orrido-fosco, et fosco également ; ces effets de sens s’impriment dans le subconscient du lecteur, comme, visiblement, de l’auteur, s’ils débordent sur d’autres emplois et d’autres associations et s’y confirment : « orrido velo » (ix, 15, 1, la nuit), « orrido e grande » (ix, 25, 1, Soliman), « fosco velo » (iii, 46, 3, le regard obscurci de Dudon mourant), « fosco manto » (v, 60, 5, la nuit) ; ils expliquent en partie la séduction du vague et du flottant que tout le monde a toujours reconnue à la poésie du Tasse[14]. La valeur thématique de « non so che » est, outre ses effets locaux, de conférer à tous ces couplages la séduction de l’indicible, coagulé pour ainsi dire en quelques occasions particulièrement remarquables, et qui ensuite diffuse à travers le reste du texte.
Je propose, par analogie avec la chimie, d’appeler ce fonctionnement coalescence (proprement : réunion de particules liquides en suspension en particules plus grosses).

Thème et polysémie : « vago »
On peut aussi considérer comme mot thème un mot qui se prête à plusieurs acceptions (le plus souvent autorisées par la tradition) qui dominent tour à tour dans chaque contexte particulier, mais sans que les autres soient complètement effacées, ce qui produit, une fois de plus un halo de sens virtuels qui irradie autour de l’emploi actuel. L’exemple le plus évident est « vago », dont les trois acceptions principales dérivent l’une de l’autre :
a) ‘errant’, voire ‘changeant’ qui est logiquement premier (« ogni vena | la qual zampilli in fonte, o in fiume vago | discorra », xiv, 37, 6-8) ;
b) ‘désireux’, voire ‘avide’ qui en dérive en tant que motivation possible : ‘(errant parce qu’) à la recherche d’un objet désiré’ (« ne fu ognor più vago », iv, 20, 4) ;
c) ‘charmant’, ‘désirable’ (« così vago è il pallor », ix, 86, 3).
Bien souvent, deux de ces sens, ou les trois, sont associés : « versando da’ begli occhi fora | umor di doglia cristallino e vago » (vii, 16, 6-7) dit que les pleurs d’Herminie à la fois sont charmants et coulent abondamment ; « Un fonte sorge in lui che vaghe e monde | ha l’acque » (xiv, 74, 1-2), que les eaux pures sont à la fois vives (errantes, mobiles) et délicieuses. Cette variabilité irradie en premier lieu sur des emplois singuliers, comme lorsque le regard de Charle et Ubald « penetra e vede, o pargli di vedere, vede pur certo il vago e la diletta » (xvi, 17, 6-7) où le ‘vague’ de la vision incroyable devient le ‘certain’ : le charmant-désirant, le soupirant qu’est devenu Renaud. En second lieu, elle se prête aux variations que constituent les emplois de mots de la même famille, comme « vagante », qui en est l’emphatique : Renaud, dans l’ïle de l’Oronte, « cupido e vagante | volge intorno lo sguardo », (xiv, 59, 1-2), ‘désireux’, donc ; mais c’est la reprise à peine variée de « Or tien pudica il guardo in sé raccolto, | or lo rivolge cupido e vagante » (iv, 86, 6-7), charmante Armide quaerens quem devoret. Et l’on pourrait étendre l’analyse à des synonymes partiels, équivalents dans la langue générale de l’un des acceptions, comme « errante ».
Le "thème vago" se résume donc comme relation d’implication des trois valeurs virtuelles : ‘charme’-‘désir’ – c’est la norme ; ‘désir’-‘erreur/errance’ – c’est déjà moins évident, et cela sous-tend des développements narratifs considérables : épisodes de Renaud et Armide, où prédonime ‘erreur’ et d’Herminie, où s’allient ‘désir’, ‘errance’, ‘erreur’ (déguisement) ; ‘charme’-‘désir’-‘erreur’ (c’est tout Armide, charmante, trompeuse, qui détourne et finit elle-même, de son propre aveu, comme « donna vagante » (xvi, 74, 5). C’est, soit dit en passant, un cas où la fréquence joue un rôle non négligeable (69 emplois pour l’ensemble de la famille), mais qui ne prend sa signification que de s’accrocher, si j’ose dire aux constellations centrées sur « desio », « errante » (et d’autres que je n’ai pas mentionnées).

Thème et spécialisation : « ardito-audace »
Le "fonctionnement", si l’on peut dire, d’un mot thème polysémique comme celui que je viens d’analyser suggère de considérer comme thématiques des ensembles, et notamment des paires de mots (ou de familles), aspects ou modalités d’une même notion plus générale, mais qui sont pour ainsi dire en distribution complémentaire, c’est-à-dire que ces mots apparaissent dans des fonctions analogues dans les différents contextes, mais s’excluent réciproquement, tandis que d’autre part on observe entre les contextes en question des distinctions ou des oppositions constantes.
La plus manifeste est la paire « ardito-audace » ; la hardiesse est la fougue légitime, l’audace est la fureur aveugle ; la première est le propre des chrétiens, la seconde des païens (c’est le qualificatif récurrent d’Argant, v, 13, 3 ; vi, 12, 1 ; vii, 50, 3 ; xi, 62, 2) ; les païens sont parfois « arditi », mais lorsqu’un chrétien est qualifié d’audacieux, c’est qu’il a franchi la limite, qu’il a oublié pourquoi et comment il doit combattre : c’est l’impatient Othon, « giovene audace e impaziente » (vi, 29, 7), qui vole son tour à Tancrède ébaubi à la vue de Clorinde ; c’est, dans la bouche de Pierre l’Ermite, la tentation de Godefroi d’aller en personne combattre les enchantements de la forêt : « Lascia il pensier audace » (xiii, 51, 1). Renaud est « audace garzon » (v, 51, 2) lorsqu’il refuse de se plier à la discipline, mais n’avait fait preuve que de « troppo ardire » (iii, 53, 1) en voulant se lancer prématurément, faute vénielle, à l’assaut des remparts de Jérusalem. Mis en place par touches successives, le "thème hardiesse-audace" impose à chacune des comparutions de l’un de ses deux termes une brève (et souvent subconsciente) interrogation, et suggère en conséquence une motivation complémentaire, qualification conforme à la valeur générale ou nuance singulière : Alète (ii, 67, 7) qualifie de « gioco di fortuna … audace e stolto » le projet guerrier des croisés ; le lâche Orcan, « invilito | ne gli affetti di padre e di marito » (x, 39, 8), « a chieder pace, a farsi uom ligio altrui | già non ardia di consigliarlo aperto » (48, 3-4), vileté au second degré.

Spécialisation et coalescence : « bisbigliare-mormorare »
Cette ‘spécialisation’ peut déborder et avoir un effet de coalescence. Plusieurs des effets ou ‘fonctionnements’ décrits ci-dessus opèrent souvent conjointement. (On parle beaucoup dans la Jérusalem délivrée : discours, récits, monologues intérieurs, dialogues, échanges de répliques brèves, interpellations, exclamations, pour informer, ordonner, convaincre, séduire ou injurier (environ un tiers du texte[15]). Or deux modalités de la parole sont particulièrement remarquables le « bisbiglio » (chuchotement), et le « mormorio » (murmure).
Les termes qu’emploie le Tasse pour dénoter la voix basse sont bien distincts. Dans la totalité de ses emplois, « bisbigliare » est un chuchotement, où la voix basse est imposée, soit par une admiration rendue timide par l’autorité (i, 29, 1 ; vi, 24, 7), ou par la beauté (iv, 28, 4 ; iv, 78, 3), soit par l’inquiétude ou la consternation (i, 82, 5 ; viii, 50, 1 ; x, 36, 6 ; xii, 100, 1). En viii, 27, 2, les deux motivations coïncident.
« Mormorare » comporte remarquablement, dans l’écrasante majorité de ses emplois, une nuance d’hostilité ; ce sont, pour les humains : les maléfices prononcés à voix basse (ii, 1, 5 ; xiii, 6, 2 ; xvi, 37, 1 ; xviii, 88, 1 ; à quoi s’ajoute « in basse note », x, 65, 8) ; le chuchotement de mécontentement du conseil des chefs (ii, 80, 2 ; x, 36, 8) ; la rumeur guerrière, avant ou après la bataille (iii, 1, 6 ; iii, 6, 4 ; xx, 51, 7) ; pour la nature, c’est le grondement de la nature dérangée (v, 28, 8 ; xiii, 21, 3) ; les murmures d’une nature apparemment amène (x, 63, 6 ; xiii, 76, 4 ; xv, 36, 4 ; xv, 56, 4 ; xvi, 12, 3) sont tous les sons trompeurs du paysage ensorcelé. Les seules exceptions (mais remarquables) sont le fleuve près duquel s’éveille Herminie (vii, 5, 3) et le ruisseau mumurant où Tancrède puise l’eau du baptême de Clorinde (xii, 67, 2). Ces deux emplois, curieusement, associent Herminie à Tancrède. Un dernier emploi, en xv, 8, 4 (le fleuve qui porte la nef de la Fortune) semble neutre (ou moins motivé).
D’une part, donc, les deux termes se distinguent comme « ardito » et « audace », opposent deux attitudes typiques, la soumission et l’hostilité, transversalement par rapport à l’opposition croisés-païens. D’autre part, ils contribuent, avec « susurrare », voix basse propre à la magie, aussi bien noire (ii, 7, 8, Ismène susurre ses blasphèmes sur la statue volée ; xvi, 13, 8, les brises de l’île d’Armide) que blanche (viii, 28, 3, les formules par lesquelles l’ermite guérit Charle) à la coalescence du thème de la voix basse, qui s’oppose par exemple à la voix forte et claire de Godefroi (i, 20, 8 ; v, 53, 5 ; xx, 13, 1) ; en v, 54, 1, Godefroi parle à voix basse à Guelfe parce qu’il s’agit de Renaud, qui justement a manqué à ses devoirs – cette association est confirmée quand Armide « con un viso | ritornò poi non sì tranquillo e pio |… | e legge in basse note » (x, 65, 5-8). « Mormorare », enfin, est une sorte de signal qui, lorsqu’il paraît, même dans un contexte apparemment euphorique, fait s’interroger sur la menace ou le piège possible.

Conclusion
Je ne me fais aucune illusion sur la valeur ‘scientifique’ des acceptions (plus que définitions) de termes métalinguistiques que j’ai esquissées, non plus que sur la sûreté des critères empiriques sur lesquels j’ai proposé des distinctions ou des regroupements. Je tiens cependant pour acquis qu’une étude thématique doit tenir compte des facteurs suivants :
a) les acceptions techniques du terme thème dans des domaines voisins de la pratique d’expression-communication : thème-sujet à développer, thème musical ;
b) la rhétorique générale du domaine littéraire que l’on se propose d’explorer – ce que j’ai dit ne s’applique strictement qu’à des récits savants de grande ampleur, tributaires d’une tradition ‘classique’ et construits selon des canons précis de sélection de la matière, de distribution de celle-ci et de formulation linguistique qui constituent le propre d’un ‘genre’ ;
c) la ‘compétence’ de lecture, assise sur une information historique, qui contrôle la portée des habitudes linguistiques : acceptions lexicales, assiette des registres ou des ‘styles’, valeurs conventionnelles des polymorphismes (ou variantes morphologiques), des constructions syntaxiques, métriques (par exemple l’enjambement chez le Tasse), des figures ‘rhétoriques’ de placement linéaire (inversion, prolepse, tmèse, hyperbate, hysteron proteron) ou de relation logique (zeugme, syllepse, hypallage, hendiadys) ;
d) l’ ‘encyclopédie implicite’, c’est-à-dire l’ensemble des connaissances, croyances et convictions courantes, et (dans la littérature savante) de la science vulgarisée de l’époque (physique et histoire en particulier) : dans la Jérusalem délivrée, par exemple, le « thème » des sources du Nil ou la construction spatiale paradoxale du voyage de Charle et Ubald ne se comprennent que par référence à l’état des connaissances du temps et au décalage entre le temps du récit (le XIe siècle) et celui du discours (le XVIe siècle, où l’Amérique a été découverte, mais non les sources du Nil). Une partie de cette encyclopédie, particulière à chaque auteur, est sa sensibilité aux préoccupations (voire aux illusions) de son temps, dont il participe de façon singulière : chez le Tasse, c’est comme on sait la liaison improbable, mais biographiquement bien expliquée, entre le « thème » de la Croisade (le mot ne figure pas dans le poème) et les obligations encomiastiques du poète courtisan envers la famille d’Este.
Ces arrières, si l’on peut dire, étant autant que possible assurées, on a quelque chance de justifier, ou d’argumenter à tout le moins ce qui se fonde largement sur – mais je ne donne au terme qu’une valeur neutre – une intuition de lecture. Le mieux qu’on puisse faire est de procéder de manière inductive, de s’appuyer sur des relevés exhaustifs, que les moyens électroniques rendent désormais possibles, et de ne jamais oublier que l’on risque de prendre des vessies pour des lanternes. Mais n’est-ce pas ce à quoi la littérature se propose de nous séduire (fourvoyer ?), en s’évertuant à faire, de ses quinquets, des étoiles ? Et en y parvenant.








Appendice :
Récapitulation terminologique
(ces définitions ne sont valables que pour
des textes narratifs)


Dispositio
représentation discursive du récit (pour la représentation verbale, linéarisation).
Elocutio
stratégie de représentation au moyen de la langue (sélection-exclusion).
Encyclopédie
ensemble des connaissances, croyances et convictions courantes, aspirations d’un groupe social.
Épisode
suite homogène de motifs centrés sur une ou plusieurs figures, en relation implicative logico-temporelle.
Fabula
ensemble des épisodes connexes.
Figure
image partielle du monde, autonome et constante.
Genre
ensemble des discours constitué autour de figures du monde et de registres de communication.
Inventio
ensemble des figures, qualifications, relations constantes et changements de relation.
Langue
code conventionnel (dénotations, registres, figures).
Motif
configuration fermée figures-relation (s).
Récit
représentation d’une suite d’actions par une suite de propositions en relation d’implication.
Registre
sous-ensemble de la langue affecté à une sélection des participants de la communication et à la stabilisation des relations entre eux et le contenu de la communication.
Séquence
partie d’un épisode, suite partielle de motifs centyrés sur un sous-ensemble de figures et / ou sur une partie de la suite implicative des relations.
Style
stratégie de choix dans la langue.
Suite
ensemble totalement ordonné.
Système
ensemble de relations interdépendantes.
Texte
système forme-contenu.
Thème
principe de cohérence d’un ensemble de figurations, dotées de propriétés constantes et interdépendantes, et marqué par des constantes formelles.



iographie sommaire




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Zatti, Sergio, L’ombra del Tasso, Milano, Bruno Mondadori, 1996.
Zatti, Sergio, « Dalla parte di Satana : sull’imperialismo cristiano nella «’Gerusalemme liberata’ », in S. Zatti (ed.), La rappresentazione dell’Altro nei testi del Rinascimento, Lucca, Pacini Fazzi, 1988, p. 146-182.
Zatti, Sergio, « Tasso lettore del Trissino » in G. Venturi (ed. 1999), p. 597-612.
Zatti, Sergio, Il mondo epico, Bari, Laterza, 2000 («Alfabeto letterario. Le forme della storia»).


Autres ouvrages
Bréal, Michel et Anatole Bailly, Dictionnaire étymologique latin, Paris, Hachette, 192912.
Cahen, Claude, Orient et Occident au temps des croisades, Paris, Éditions Aubier Montaigne, 1983.
Duby, Georges, Les Trois Ordres ou l’Imaginaire du féodalisme, Paris, Gallimard, 1978.
Dupront, Alphonse, Le mythe des croisades, Paris, Gallimard, 1997.
Glaesener, H., « Godefroy de Bouillon était-il un ‘médiocre’ ? », Revue d'histoire ecclésiastique, XXXVIII (1943), p. 309-341.
HEERS, Jacques, La première croisade, Paris, Perrin, 1995 ; rééd. Paris, coll. Tempus, 2002.
La Curne de Sainte-Palaye, Jean-Baptiste de, Mémoires sur l'ancienne chevalerie, considérée comme un établissement politique et militaire, Paris, N.-B. Duchesne, 1759.
Parmentier, A., Album historique – Le Moyen Age, Paris, Armand Colin, 1905.
Pasquali, G., Arte allusiva, in Stravaganze quarte e supreme, Venise, Neri Pozza, 1951.
Pernoud, Régine, Les hommes de la Croisade, Paris, Tallandier, 1977.






[1] C’est en 1956, à Tunis, que je découvris une édition d’avant-guerre du poème, perdue depuis (a cura di Giuseppe Morpurgo, si j’ai bonne mémoire) et commençai à le lire, sans y comprendre grand-chose.
[2] J’avoue que c’est l’approbation de Sergio Zatti, L’uniforme cristiano e il multiforme pagano, p. 33-34, bien flatteuse pour ma vanité, qui a eu raison de mes réticences agacées. Il m’a fort aimablement autorisé à reproduire son résumé (v. p. 11).
[3] Ces Apostilles (p. 56) sont appelées dans les texte par un astérique [*].
[4] Cet essai était destiné à des lecteurs ne connaissant pas nécessairement l’italien ; je n’ai pas cru devoir rétablir le texte original.
[5] « un soit le poème qui contiendrait une telle variété de matières, une soit sa forme et sa fable, et que toutes ces choses soient agencées [composte] de telle manière que l’une mène à [riguardi, donne sur] l’autre, que l’une réponde à l’autre, que l’une, nécessairement ou vraisemblablement de l’autre dépende, de telle sorte que si une seule partie est ôtée ou changée de place, le tout s’écroule ». (DAP, ii, p. 36).
[6] Pour être plus précis, la situation initiale est stable en tant qu’elle comprend des sous-ensembles disjoints, les changements adviennent quand certains de ces sous-ensembles entrent en relation (v. n. suivante).
[7] La situation initiale comprend approximativement les motifs statiques suivants, disjoints : ‘Olinde aime Sophronie et Sophronie n’aime pas Olinde ; le roi Aladin prépare la guerre ; Clorinde est ailleurs’ ; les changements adviennent lorsque les motifs ‘Aladin-Ismène-statue’ (partie de ‘Aladin prépare la guerre’) interfèrent avec le motif ‘Olinde-Sophronie’ : ‘Sophronie apprend le projet de massacre d’Aladin’ (en conséquence) ‘Sophronie se dénonce’ (en conséquence) ‘le roi condamne Sophronie’ (en conséquence) ‘Olinde apprend la condamnation de Sophronie’ (en conséquence) … et ainsi de suite ; puis le sous-ensemble ‘Clorinde’ interfère : ‘Clorinde apprend la condamnation des amants’ (en conséquence) … (en conséquence) ‘Olinde aime Sophronie et Sophronie aime Olinde’.
[8] V. H. Grosser, « Parlar disgiunto », in La felicità del comporre …,. p. 135-192.[8] dans le domaine logico-narratif.
[9] Notamment par des échos linguistiques (v. Elocutio) ; voir par exemple la description de Lesbin (viii, 81), prise dans un jeu d’échos avec plusieurs passages relatifs à Renaud (i, 58-60 ; V,44 et rétrospectivement xiv, 66-67 e xvi, 20).
[10] Voir l’apostrophe « machiste » de Soliman à Gildippe : « meglio per te s’avessi il fuso e l’ago, | ch’in tua difesa aver la spada e ‘l vago. » (xx, 95, 7-8).
[11] Pasquali, G., « Arte allusiva », in Stravaganze quarte e supreme, Venezia, Neri Pozza, 1951. On n’a pas ici à à s’occuper outre mesure des ‘intentions’, avouées, conscientes, inconscientes, tout ce qu’on voudra, de l’auteur – puisqu’on sait bien qu’un texte finit par forcer la main à son auteur et, répondant à et de ses intentions, finit par imposer sa propre logique, qui est, et plus pour le Tasse que pour bien d’autres, celle de l’obsession. À la question : l’auteur y a-t-il pensé ?, la réponse est : oui, et non ; l’auteur a pensé, écrit, et le texte prend le relais, finit par penser pour lui, l’auteur l’a pensé – dans, par sa mise en texte.
[12] On peut remarquer en outre que les premiers couples peuvent se lire comme des hendiadys, inusitatamente molle, insolitamente audace, flebilmente soave ; après quoi, l’adjectivation attachée se diversifie (mais pianamente soave pour Herminie).
[13] Ce qui ne permet pas d’affirmer que tout se passe comme ça, m’a fait observer un jour le professeur E. Genot, logicien de son métier. Dont acte.
[14] A. Soldani, Attraverso l’ottava …, p. 16-44 a analysé ce procédé de façon approfondie, et en a remarquablement formulé le sens : « la dittologia [couple] ne réduit pas l’opposition, mais lui donne forme : les modalités des choix lexicaux sont telles en effet qu’elles garantissent une subtile friction sémantique, un léger déplacement qui oblige le lecteur à une décomposition continuelle de l’image (dont l’unité, par conséquent, est produite dialectiquement, par un processus dynamique), en un effort pour saisir les sèmes discordants qui se détachent sur le fond sémantique commun ». (p. 44).
[15] V. Genot-Inserillo-Larivaille, Index thématique … ‘Discours et dialogues’, p. 25-75.

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